REVUE D’HERESIES
Leïla Chaix
Catalina Raíz
Thomas Benes
Nathan J. Beltràn
Antonio Duarta Samir Élias
Front de Libération des Princesses en Détresse
Entrevue : Oroboro
Marianne Pellet
Noémie Koch
CORTÈGE
N°1 partie une – Décembre 2024
2024 - CONTRE-SORT Éditions
CORTÈGE
revue d’hérésies
INTRODUCTION
NOUS T’APPELLERONS BOHÈME
VOUS AVEZ DIT CORTÈGE
ENTREVUE
LETTRE OUVERTE
BERLINGOT
RESTER CROYANT.E
RECONSTRUIRE LES RÊVES
LA PAGE DES PETITES ANNONCES
THE PEOPLE
Y’A PAS MALDONNE
4 LA RÉDACTION
5 CATALINA RAÍZ
12 SAMIR ELIAS
17 PIERRE KERROC’H
21 DU F.L.P.D
23 THOMAS BENES
25 LEÏLA CHAIX
32 NOÉMIE KOCH
36 MARIANNE PELLET
37 ANTONIO DUARTA
39 LA RÉDACTION
CORTÈGE, revue d’hérésies. Tout un
programme ! Du moins, on l’espère, puisque c’est en
quelque sorte le pari qu’on s’est fait autrement
dit : de réunir divers auteurs avec pour manifeste
rien d’autre que le terme de cortège, en tout ce qu’il
peut contenir de célébration, de résistance,
d’ensemble et de vie.
INTRODUCTION
Nous disons manifeste puisqu’à part ça, il n’y en a pas ; la ligne éditoriale
s’écrivant d’elle-même, d’une contribution à l’autre.
Et si quelques indications voire quelques buts ont été fixés, ils sont
parfaitement inavouables.
CORTÈGE paraîtra de manière bimensuelle, en ligne & en participation
libre, avec la possibilité de quelques tirages papier.
Bonne lecture et n’hésitez pas : faites comme les caresses, les doigts
s’imbriquant dans une faille après l’autre.
LA RÉDACTION
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NOUS T’APPELLERONS
BOHÈME
Catalina Raíz
Traduit de l’espagnol par Nathan J. Beltràn
I.
Je vous remercie de m’accueillir ici, permettez que j’y sois nue ? ce n’est pas des plus
calmes, je sais, mais je m’y sens bien et le monde au-delà se meurt.
Depuis combien d’années maintenant ai-je laissé ces plaines de terre grise, ai-je roulé
dévalé la montagne jusqu'à vous traversant des pays empreints d'horreur
accumulant poussière sur mon buste nu ma longue jupe et mes cheveux ?
Depuis combien d'années maintenant ai-je laissé ces plaines de terre grise et ce fleuve
où je rêvais de ronds · couronnes · de fleurs et de baies charriés ?
Je vous ramenais pour la première fois Beauté, dissimulée dans cette boîte à
mouchoirs · je vous disais : « Permettez qu'elle passe en vous ? Ô mains de
la terre, mains blessées de la terre, qu'elle rampe de mes cuisses à vos
pouces, suintant de ma peau à la vôtre ? »
Cette boîte, délicatement sculptée en bois, je range ma collection d’images -
belles-de-nuit fleurant leurs yeux, les fardant tendresse · petites sœurs de
l’arrière-pays, menées du Désir · toiles, innombrables toiles - Ophélie
emportée Ophélie pâle, Turner saisissant brume et lumières ·
forêt noire, et vous tee-shirt blanc et crinière mouillés fumant, vous -
rital, flicard christique ou barde métèque.
Ce qui me plaît, c’est la Beauté qui passe en elles · voyez ma peau et ma tête et ma
bouche, posez-y vos doigts sentez comme elles frémissent · elles vous
énonceront que ce que l’on dit beau n’est qu’un lieu de passage, chose où
passe la Beauté comme le souffle anime l’argile ; elles seront l’indice
qu’Elle n’est véritablement pas d’ici · seront la preuve qu’elle rend à la
brume qui l’accueille et qui la sent.
Ranger de telles images dans cette boîte, la licatement sculptée en bois, est
comme un rituel pour que la Beauté qui passe en elles demeure en moi,
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NOUS T’APPELLERONS BOHÈME – Catalina Raíz
qu’Elle m’accompagne · discrète, bien cachée · et bien que sûrement des
gestes la trahissent qu’elle ne ressorte que dans vos bras, suintant de mes
pores recouvrant ma peau jusqu’à la vôtre.
Ah comme la bouche est terreuse, enfumée – et qu’elle a soif ! Voilà l’or et la faim !
Entendez-vous le bruit que fait la foudre ? Il est temps de franchir le seuil et de vivre
dans le refuge caché de ce ventre, tanguant comme ivre picorant de ci de
la gousse, m’abritant de l’orage.
Venez, monsieur, qu’un de vos gestes me libère de l’exil, que ma peau épouse les
contours de l’abri que révèle votre ventre. Tracez de vos paumes ce qui se
dit dans le couchant, et les vérités d’alors.
Ô Œil noir d’homme, me voilà offerte à l’offrant, prête à entendre les froissements
de nos corps, à goûter les pores de votre chair. Que chaque caresse, chaque
gémissement soit un psaume. Nous sommes deux errants, s’abritant et
s’adorant l’un l’autre. Et lorsque nos corps se rencontrent, il ne reste de
moi qu’un frisson, un râle ample à porter en vous, ardent et pur.
II.
Ma tête est lourde et brûle, je l’abandonne ! Permettez que je vous demande quel
monde m’enveloppe à présent ?
Paysage de brume et lumières · ah ! nuées et volutes ! j’étais si frissonnante et mon
buste si fragile · je n’étais plus qu’un frisson de neige. j’étais la neige qui
fond · lentement emportée j’ai du laisser ma tête, qui est lourde et brûle,
comme le feu que vous donniez à mes lèvres.
Il n’y a que nous pour applaudir, célébrer ce qu’il reste d’actes grandioses · chapeau,
salut d’artistes · un souhait, puis-je ? qu’encore ruisselante vous me
rameniez à vous, que vous me gardiez ici, monsieur.
Recueillez-moi longtemps, offrez-moi dont l’asile, encore haletante, moi et mes rires
et mes yeux voilés par la lumière.
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III.
DÉFAIRE TOUT INTERMÉDIAIRE, SE PLACER CONTRE L’HISTOIRE,
LA SUSPENDRE, SUSPENDRE LE TEMPS ! PASSER FRONTIÈRE ET
S’ENTREPASSER BEAU !
Alors · nem én kiáltok · ce n’est pas, n’est plus moi qui clame, voici venue la mort
du monde les fêtes ne se déroulent plus qu’entre les murs, et ne reste que le
banquet immonde, sont organisés d’immenses buffets de chair pour
contrôler les plus maigres et qui n’est pas affamé sinon de posséder, leurs
masques ne sont ni la brume ni le souffle qui parle – on y apprend ce qu’est
devenu manger
et voilà l’homme - il rend une main dans la foule ou l’acide, rase les murs affolé sans
jamais dans les clameurs de notre vieille forme entendre la parole de nos
fous, notre vieille forme - tournée contre nous ·
nous de la Fête, ayant pourtant le sens de la fête, le sens pourtant des corps · nus ·
peints de fleurs, de vagues ; de volutes et d’écailles
oui, nous du Désir
nous de la Brèche
nous du front levé contre le ciel ; rappelez-vous -
nous communs et des Bohèmes
nous d’un monde-âme dont les voix résonnent encore
nous de l’Éros, de l’érosion, de l’érotique, de longs cils noirs frôlant
nos joues
nous des amants que l’union redéfinit sans fin
nous de la magie sentie et du ur battant
nous des candeurs nous roulant des fesses aux versants des montagnes
nous contre la montre et pour plus que tout
nous et la fleur d’indices, et germe d’astres enfin.
NOUS T’APPELLERONS BOHÈME – Catalina Raíz
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TE VAMOS A LLAMAR
BOHEMIA
Catalina Raíz
I.
Le agradezco por acogerme aquí, ¿no le molesta que esté desnuda? este lugar no es
de lo más tranquilo, lo sé, pero me siento bien aquí y el mundo más allá se
muere.
¿Cuántos años han pasado desde que dejé estas llanuras de tierra gris, desde que bajé
rodando por la montaña hasta usted cruzando países impregnados de
horror acumulando polvo en mis pechos desnudos en mi larga falda y en
mi cabello?
¿Cuántos años han pasado desde que dejé ese río donde soñaba con coronas ·
redondas · de flores y bayas arrastradas?
Le traía por primera vez la Belleza, escondida en esta caja de pañuelos; le decía: "¿no
le molesta que la Belleza pase a través de usted? Oh manos de la tierra,
manos heridas de la tierra, que la Belleza se arrastra de mis muslos a sus
pulgares, sudoroso de mi piel a la suya".
Esta caja, esculpida con delicadeza en madera, es donde guardo mi colección de
imágenes: mirabilis chicas jalapa haciendo flores con sus ojos · hermanitas
del interior, apóstoles del Deseo · pinturas, innumerables pinturas - Ofelia
llevada, Ofelia pálida, Turner capturando la niebla y las luces · bosque
negro, y usted - camiseta blanca y cabello mojados mientras fumas, usted
- tano, madero crístico o cantante sudaca de otra época.
Lo que me interesa es la Belleza que pasa a través de ellas · miren mi piel, mi cabeza
y mi boca - pongan sus dedos sobre ellas · sientan cómo estremecen.
Ellas les dirán que lo que se llama bello no es más que un lugar de paso, algo donde
la Belleza pasa como el aliento anima la arcilla. Ellas serán el indicio de
que Ella no es de aquí. Serán la prueba de que devuelve a la niebla a quien
la acoge y a quien la siente
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Guardar estas imágenes en esta caja, delicadamente esculpida en madera, es como
un rito para que la Belleza que pase en ellas permanezca en mí, que me
acompañe · discreta, oculta · y a pesar de que seguramente algunos gestos
la traicionen, que solo emerja en sus brazos, brotando de mis poros,
cubriendo mi piel hasta la suya, señor.
Ah, la boca es tan terrosa, ahumada - ¡y tiene tanta sed! ¡Aquí está el oro y el
hambre!
¿Oyen el ruido que hace el rayo? Es tiempo de cruzar el umbral y vivir en el refugio
oculto de este vientre, balanceándome como si estuviera ebria, picoteando
aquí y allá la vaina, resguardándome de la tormenta.
Ven, señor, que uno de tus gestos me libere del exilio, que mi piel abrace los
contornos del refugio que revela tu vientre. Dibuja con tus palmas lo que
se dice en el crepúsculo, así como las verdades del instante.
Oh Ojo negro de hombre, aquí estoy, ofrecida al oferente, lista para escuchar los
roces de nuestros cuerpos, para saborear los poros de tu carne. Que cada
caricia, cada gemido sea un salmo. Somos dos errantes, resguardándonos y
adorándonos el uno al otro. Y cuando nuestros cuerpos se encuentran, de
no queda más que un escalofrío, un amplio suspiro para llevar en ti,
ardiente y puro.
II.
¡Mi cabeza es pesada y me quema, la abandono! ¿No le molesta, señor, si le
pregunto qué mundo me envuelve ahora?
Espacio de niebla y luces · ¡Ah! nubles y volutas. Estaba tan temblorosa y mi torso,
tan frágil, no era más que un escalofrío de nieve. Yo era la nieve que se
derrite · lentamente llevada. Tuve que abandonar mi cabeza, es pesada y
me quema, al igual que el fuego que usted ofrecía a mis labios.
Solo nosotros podemos aplaudir y celebrar lo que queda de actos majestuosos ·
¡Chapó! Saludo de artistas · un último deseo, ¿puedo? Deseo que, n
mojada, me devuelvas a ti, que me mantengas aquí, señor. Recíbeme por
mucho tiempo, ofréceme refugio, aún jadeando, yo y mis risas y mis ojos
velados por la luz.
TE VAMOS A LLAMAR BOHEMIA – Catalina Raíz
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III.
DESTRUIR CUALQUIER INTERMEDIARIO, PONERSE EN CONTRA DE
LA HISTORIA ¡SUSPENDIDA LA HISTORIA! SUSPENDER EL TIEMPO,
PASAR FRONTERAS Y HACER PASAR INTERCAMBIAR LA BELLEZA.
Entonces · nem én kiáltok · no soy, ya no soy yo quien grita, aquí llega la muerte del
mundo las fiestas se celebran únicamente entre cuatro paredes, donde solo
queda el banquete inmundo, se organizan grandes comilonas de carne para
controlar los s delgados y alimentar a aquellos que nunca han sentido
hambre de carne · sino de tener, sus máscaras no son ni la niebla ni el
aliento que habla - alse aprende lo que se ha convertido el acto de comer,
nosotros de la Fiesta, teniendo sin embargo el sentido de la Fiesta, teniendo sin
embargo el sentido de los · cuerpos desnudos · pintados de espesas humos y de flores
de olas y de escamas
nosotros del Deseo,
nosotros de la Grieta,
nosotros que hablamos con cerviz erguida ; recuerden -
nosotros comunes y de Bohemia,
nosotros de un mundalma y cuyas voces resuenan aún
nosotros del Eros, de la erosión, de lo erótico, largas pestañas negras
rozando nuestros mejillas,
nosotros de los amantes que la unión redefine sin cesar.
nosotros de la magia sentida y del corazón palpitante,
nosotros de las candideces nosotros contoneándose por las laderas de las
montañas
nosotros contrarreloj y por más que todo
nosotros y la flor de pistas, y gérmen de estrellas
TE VAMOS A LLAMAR BOHEMIA – Catalina Raíz
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BILLET D’HUMEUR
VOUS AVEZ DIT CORTÈGE ?
Samir Élias
Cortège ? Selon le dictionnaire, un cortège est « un groupe de
personnes qui en accompagnent une autre pour lui faire honneur,
une manifestation sur la voie publique quel qu’en soit l’objet
(procession, défilé, etc.) ou un groupe de personnes ou d’animaux
qui suivent quelqu’un ou quelque chose. »
Bon, sauf que je ne vois pas bien qui nous
accompagnons pour lui faire honneur et que nous ne sommes ni
sur la voie publique ni sur le service public. Il reste donc une
seule interprétation : nous suivons quelque chose. Un idéal ?
D’accord mais lequel ? Je reçois quelques articles de la revue et
en essayant de distinguer des thèmes similaires je me dis que ça
saute aux yeux (aïe). Facile de tisser une ligne claire. Facile de
voir ce qu’il y a en commun. Personne ne s’étant réellement
concerté sur ce qu’il fallait écrire c’est bien une ligne qui s’est
dessinée naturellement.
Je téléphone donc à l’instigateur du cortège, celui qui
a commencé à marcher tout seul. Oui, dit comme cela ça fait très
film des années 70. Un truc avec Dustin Hoffmann. Je lui
explique ce que je crois être cette fameuse ligne. Une certaine
idée de l’Histoire, de l’étrangeté et de la vie. Je l’entends sourire
comme on entend parfois les gens sourire au téléphone. C’est
marrant d’ailleurs cette façon de les sentir sourire au bout du fil
(bam bam, ni vu ni connu je tisse un lien avec un autre texte de
la revue¹). Il semble assez content de mon analyse, mais me
précise : « Attention, je ne crois pas que ce soit des thèmes mais
plutôt des motifs. »
Bien, bien, des motifs. Ça y est, c’est intégré. Mais bon,
malgré tout ça ne m’aide pas vraiment à savoir ce qu’il faudrait
écrire. Cortège. Cortège. Cortège. Qu’est-ce qu’il y a dans un
cortège ? Un chant, bien sûr. Je vais faire une chanson à lire.
Tous les cortèges ont leurs chants. Comment on écrit une
chanson ? Quelque chose en alexandrin ?
¹ Référence à un texte écarté depuis.
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VOUS AVEZ DIT CORTÈGE – Samir Élias
« Suivons la marche du cortège, sa mélodie
Pour que le bitume devienne enfin l’océan
Et ce cortège un bateau pour vous, mes amis
Où nous pourrions affronter le grand ouragan.»
C’est digne d’un adolescent et en deux coups de cuillère
à mots le cortège s’est transformé en bateau. C’est pas que j’aime
pas les bateaux mais j’ai déjà assez de mal à trouver un sujet
pour le cortège du bitume pour que j’aille m’emmerder avec un
cortège maritime. J’essaie de cher prise, il se fait tard, j’allume
mon téléphone, je fais un tour sur les seaux sociaux, j’en
reviens trente minutes plus tard, complètement hébété. Je
repense à ce texte à écrire et je déprime. La personne que j’aime
n’est pas . Pour me lâcher j’essaie d’imaginer ce que nous
ferions ensemble aussi tard si elle l’était. Sauf que la pensée est
vite coupée. Par un manque d’intérêt ? Non, par la déprime. Je
me sens vide, je n’ai absolument rien à dire, rien ne sort de moi,
et malheureusement le rien ça s’écrit pas, enfin, je dis ça mais le
rien ça s’écrit et ça se vend assez bien d’après ma dernière visite
en librairie. Bref ! D’ailleurs, je ne suis pas vraiment vide
puisque j’ai une obsession : le chiffre neuf qui depuis ce matin
me revient en boucle, alors même que je suis en train d’écrire le
neuf est là, il s’insinue entre chaque mot.
Qu’est-ce qu’ils vont penser, les lecteurs ? Ils vont se dire que
j’écris pour ne rien dire. C’est vrai que j’écris pour ne rien dire.
Et l’instigateur, il va penser quoi ? Il va accepter de publier mon
texte ? S’il le fait est-ce qu’il va cogiter comme moi, à se
demander ce que les gens vont penser de lui d’avoir publié un
texte comme ça ? Je sens déjà la scène, ça sera au téléphone donc
je la sentirai comme on sent les sourires. Il va lire le texte, lever
un peu ses sourcils froncés et faire « hum ». Je vais lui demander
si c’est mal écrit et il va prendre une grande inspiration, cette
fois en levant grand les sourcils avant de me répondre dun
laconique : « T’écris blanc, quoi. » Et les autres marcheurs, hein,
ils vont se dire que je ne suis pas chié d’écrire rien et que je suis
en train de niquer le prestige de la revue, et que leur texte a
moins de valeur, suivi ou précédé du mien. Et puis, bordel,
qu’est-ce que je raconte avec cette notion débile de valeur ? L’art
c’est pas la bourse ! Si ça se trouve je n’écris pas vraiment rien.
Si ça se trouve je suis en train d’écrire un cortège de pensées.
Si tu veux copier ce texte, mentionne lauteur.
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VOUS AVEZ DIT CORTÈGE – Samir Élias
J’assiste à l’éclosion de ma pensée, je la regarde et l’écoute pour
citer, mal je crois, Rimbaud. Ouais bon, non, j’exagère un peu
dans le délire. Le mot est lâché : délire, je délire. Tant d’idées de
textes me sont passées par la tête, rien ne fonctionne et il est déjà
trois heures du matin, il faut que je dorme avant quatre, sinon
demain je ne vais pas savoir me lever. Bordel, bien sûr que non
je ne suis pas vide : en plus du chiffre neuf, j’ai le terme de «
destitution » qui me reste en tête. Une marcheuse a écrit «
destitution divine », et voilà que le mot reste en moi et se décline
sans but : chronologie de la destitution, fabrique destituante, et
si en fait le point commun de tous les articles ou poèmes ou
monologues de théâtre de la revue pouvait s’articuler autour de
la destitution ? Chacun sa destitution et son objet de destitution.
Et moi alors ? Je destitue mon talent ? Mon égo ? Et en public !
Mais attends, en fait pourquoi ai-je dit que ce n’était pas la voie
publique ? Ma voix sera publique ! Est-ce que les autres
marcheurs vont voir que je délire ? Est-ce qu’ils vont appeler un
psychiatre, un institut ? Ce sont des poètes ou proches de l’être,
j’en doute un peu mais imaginons : quelques ambulanciers, un
petit et un grand beau gosse, me traînent jusqu’à leur véhicule.
On me met d’office la camisole. « Ça va bien se passer, mon petit
père. » « Mais oui, on va te réparer, mon coco. » J’ai le gosier sec,
ça brûle comme l’acide dans ma bouche. On s’arrête et on
m’emmène à l’intérieur. À ce moment-là, il ne faut pas se
révolter, s’exciter ou dire que c’est une méprise sinon t’es foutu.
Pendant qu’on me carotte mes lacets, je pense à quelques
phrases à prononcer calmement : « Qu’est-ce qu’il y a de plus
humain que la folie ? » Mais ma parole ne vaut déjà plus rien, la
toubib va me regarder à peine un quart de seconde, levant ses
petits yeux lasses, griffonner sur son cahier d’ordonnances et ni
une ni deux, je serai shooté et foutu dans une petite pièce où je
n’aurai même pas le bol d’être seul. Mon camarade de chambre
sentira des pieds et on me refusera de lire des livres, parce que ?
Parce que ! Abruti par un médicament qu’ils auront volé à une
pauvre jument du secteur, je n’aurai plus du tout la capacité de
me lier d’amitié avec lui, d’organiser une mutinerie intellectuelle
et pire d’écrire un meilleur texte pour la revue avant sa parution.
Qu’est-ce qu’il y a de plus humain que la folie ? Eh bah,
sûrement pas la manière dont on la traite. Mais bon ce sont des
poètes ou proches de l’être, j’en doute. Non, ils n’appelleront pas,
mais peut-être qu’ils repenseront à Nerval, à Munch ou à
si tu copies ce texte, mentionne lauteur !
Munch ou à
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VOUS AVEZ DIT CORTÈGE – Samir Élias
Wain, et se diront que décidément les fous ne se valent pas tous.
Ils se diront que la folie il faut s’en servir avec talent ! Salaud de
Nerval ! Talentueux de Nerval ! Moi aussi j’ai déjà vu des
paysages étranges en rêve, hein ! Rien que cette nuit j’ai vu des
bombardiers d’eau en train d’arroser une ville remplie de statues
en plastique et sans têtes. Et bam ! Prends ça dans ta tête ! C’est
pas donné à tout le monde.
Attends ! Comment ça ? Celui qui me lit en ce moment aussi ?
Tu crois ? (Je m’adresse à moi-même comme à un autre, mais
c’est purement rhétorique, hein ! Hein ?) Lui aussi serait fou ? À
mi-temps ou plus ? Comme moi, quoi ! Ça me rassure un peu de
le savoir.
Mais qu’il n’aille pas écrire un meilleur texte que le mien grâce à
sa folie !
Salaud !
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OROBORO
© Annick Fidji pour Lust4live
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ENTREVUE
Avec Pierre Kerroc’h / OROBORO
Chants marins ou mongols. Contes d’ailleurs ou d’ici. Rock halluciné. Torsade
de son. Sorcellerie. Feux grégeois. Tragédie. Théâtre. Empire. Pop. Que ce soit en
concert ou dans la vidéo de Shaman En Mania, première chanson divulguée sur le
net, le chanteur du groupe contorsionne. Sa voix d’abord. Puis son corps, jusqu’à ce
que ses jambes tressautent et, tandis que la ligne de basse dansote encore, tombent
presque d’un fracas sur le sol. Après quoi, le voilà qui se relève, renaît, bondit de
nouveau ; et le public suit.
Si en session le guitariste se faisait funk – oscillant entre rythmique et lead
sur scène, sous l’impulsion d’un nouveau, la gratte mailloche, punk de peu. Le tout
bardé de paroles évoquant, entre autres, sorts, chaos, parodie, sabbats ou gloire.
Autant dire que nous voulions en savoir plus. Si bien que, n’ayant entendu parler ni
d’album en préparation, ni d’album à sortir – mais convaincus qu’il n’y a pas besoin
d’occasion pour causer culture nous avons rencontré leur chanteur, Pierre Kerroc’h.
Lisez comme nous avons bien fait.
*
Vous arrivez à un moment j’entends beaucoup parler de rock celtique. Pensez-vous
qu’il y ait une sorte de renaissance du genre ? Quel lien OROBORO entretient-il avec la
Bretagne ?
PK : Si notre rock est « celtique » : c’est dans les thématiques de nos chansons et
dans l’énergie qui nous anime. Un tiers de nos titres s’inspirent de la Bretagne, des
légendes arthuriennes, ou des Celtes antiques. C’est vrai que notre type de mélancolie
est assez proche de celui des Gwerzioù de Bretagne, ces complaintes populaires, ou
encore des chants du Barzhaz Breizh, ce chef d’œuvre de la culture orale. Mais nous
ne sommes pas influencés par ce qu’on appelle aujourd’hui la « musique celtique »,
ni par la musique bretonne d’ailleurs. Et pourtant j’ai un grand respect pour Stivell
ou Glenmor, ces deux bardes modernes, par exemple, et pour ne nommer qu’eux.
D’ailleurs je citerai ce dernier pour évoquer mon propre rapport à la Bretagne : « La
Bretagne ? Si je disais ce que je pense, je finirais par me vexer moi-même. » En
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dehors de ça : moi je suis à Brest, j’ai grandi à Rennes, avec des ancêtres du
Finistère et de Broliande. Et notre groupe de rock est rennais.
En écoutant votre musique, on pense facilement au cirque, au burlesque. Vous savez
ce côté sautillant qu’on peut retrouver chez Higelin ou la Mano Negra, mêlé à des
sonorités très modernes, par exemple dans « Parodie Perdue » avec ses nappes ?
PK : C'est amusant ça ! À la fin de nos concerts on nous cite souvent deux références.
Soit Jacques Higelin pour l'énergie et la théâtralité. Soit Les Rita Mitsouko pour les
paroles et le style. C'est-à-dire deux groupes que je connais peu ou pas. Quant au
côté cirque c'est plutôt naturel chez moi. On nous a déjà dit que nos spectacles se
rapprochaient du cabaret. En tout cas j'aime déborder de la scène et interagir avec
le public. Concernant cette association entre bouffonneries et sonorités modernes :
c'est juste. Notre morceau intitulé La Nef des Fous, par exemple, est à l'origine une
follia traditionnelle, filtrée par un style baroque, puis interprétée musicalement de
façon rock, et vocalement à la manière d'un chant marin, tandis que les paroles
s'inspirent d'une thématique carnavalesque. Autrement dit : la chanson est elle-
même une sorte de carnaval. Nous préparons notamment un opéra punk épique, Le
Requiem du Joker, qui tourbillonne dans du clownesque sombre. Enfin vous
évoquiez Parodie Perdue : c'est une chanson qui conclut nos concerts et qui voit
l'univers comme une vaste farce. On peut dire que c'est le clown du spectacle.
Qui écrit la plupart de vos chansons, quelle est l’importance du texte et comment
chacun d’entre vous contribue à leur élaboration ?
PK : J’écris les textes et je compose les morceaux puis mes complices les interprètent.
D’abord je construis des maquettes sur logiciel avec les pistes de chaque instrument.
Puis Tristan (le bassiste), Ethiliel (le batteur) et Stéphane (le guitariste) reprennent
ou améliorent cette base de travail. Ils y ajoutent parfois des idées, souvent leurs
trucs, toujours leur style. Ensuite on peaufine en répète ou sur les scènes. Et voilà la
recette ! Maintenant concernant l’importance des paroles ? Écrire des textes d’amour
fou, de tristesse pure, de bonheur simple : c’est pas mon fort. Nos chansons
expriment des sensibilités inhabituelles : soit des émotions d’autres époques, soit des
sentiments extrêmes. Nos thèmes font défiler des bacchantes grecques, des guerriers
gaulois, des empereurs romains, des sorcières médiévales, des magiciens arthuriens,
des cortèges de carnaval, etc. En résu : les paroles évoquent parfois des émotions
qui nous sont étrangères, voire invoquent des personnages qui sont plutôt contraires
à nous-même. C’est comme aller voir vers le côté verso des choses.
ENTREVUE PIERRE KERROC’H CORTÈGE
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Dans votre première chanson et vidéo, Shaman en Mania, j’ai ressenti, et ceux à qui
j’en ai parlé semblent partager cette impression, que vous y apparaissiez comme un
groupe ermite revenant au monde. Il y a quelque chose de buriné -dedans.
Curieusement, au fil des chansons, des vidéos et des concerts, on a l’impression que
vous rajeunissez. J’entends par là que l’homme sage semble laisser place à l’enfant.
Est-ce que cela vous parle ?
PK : À cette impression : je ne peux que répondre de manière triviale. Entre autres :
c’est qu’on est de plus en plus à l’aise ; et c’est qu’on y travaille autant que possible.
Nous ne sommes pas passés de l’ermite à l’enfant. Pour moi l’enfant est l’inverse de
l’artiste. Et l’art devrait être là pour nous faire sortir de l’enfance. Au minimum.
Mais soit ! Paraît qu’on a l’air de rajeunir… N’empêche qu’au moins en paroles nous
tentons de garder notre ironie, notre cynisme, notre acidité, et un brin de lucidité si
possible. Ceci dit : Shaman en Mania est un morceau qui parle entre autres de
renaissance. Peut-être qu’à force de le jouer on s’est tapé un effet fontaine de
Jouvence ?
C’est intéressant car ça va à l’encontre de l’idée qu’on se fait généralement de l’art, à
savoir que l’artiste doit être un enfant et que l’enfant est un artiste. Pensez-vous
qu’il existe un enjeu de l’art à notre époque ? Si oui, lequel est-ce, selon vous ?
PK : Oui, pour moi l’art est trop « artisanal » pour être enfantin. D’autre part je ne
crois pas quil y ait d’enjeu de l’art aujourd’hui : car il a gagné la partie. Nos stars
sont des artistes pour la plupart. Nous avons des écrans et des radios sur nous. Et
des films et des chansons dans nos têtes. L’art est roi et mène la danse du monde ; et
il s’est confondu avec la culture. Et on est tous pris dans ce tourbillon : spectateurs
autant qu’artistes. L’art était une échappatoire : maintenant c’est dur de s’en
échapper. Son seul « enjeu » ça serait qu’on commence à en avoir marre. Marre qu’il
nous flatte autant. Marre qu’il aille autant dans le sens du vent. Et quil soit devenu
si inoffensif et inopérant. Malgré ses costumes et ses postures. Et malgré tous ses
grands moyens. Bref qu’on s’ennuie de ce petit ami un peu trop gentil. Et
envahissant. Dans tous les sens du terme : quon soit gavés.
Vous avez donné plusieurs concerts et particià des festivals. Quel est votre rapport
à la scène ?
PK : Il y a pour moi deux summums dans la musique : terminer une chanson et jouer
sur la scène. Nous donnons tout ce qu’on a pendant nos concerts. Que ce soit devant
ENTREVUE PIERRE KERROC’H CORTÈGE
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une foule en délire ou dans un bar quasi vide. Malgré toute la noirceur, la colère, la
violence, la cruauté qu’il peut y avoir parfois dans nos morceaux : il y a cette envie
de passer un moment magique et mémorable avec les gens. Pour ma part je passe
par des états très divers à travers chaque chanson. Car j’y incarne une vaste galerie
de personnages : comme au théâtre ou dans un roman. Un vrai défilé. Un vrai
cortège, si vous préférez.
Comme je vous l’ai dit : Vous semblez être arrivé comme un groupe ermite. Avec
beaucoup de choses dans vos bagages. On peut donc facilement imaginer un album en
préparation, voire déjà enregistré.
PK : Nous avons un premier album en préparation : CHAOS. Nous en jouons les
chansons en concert. Nous en publions les clips en ligne. Et bientôt en audio sur les
plateformes d’écoute. Nous avons aussi la moitié de notre deuxième album en
préparation : ENFERS. Certains titres sont déjà joués en live : comme Morts pour
la Transe par exemple. Le premier album nous fait traverser l’histoire de l’occident
depuis lorigine jusqu’à aujourd’hui : dans quel état est-ce qu’on revient de ce voyage
dans le temps ? Le deuxième album nous fait traverser l’enfer contemporain jusquà
ses tréfonds : dans quel état est-ce qu’on revient de ce voyage dans le noir ? La
musique nous permet de jouer avec nos délires, de danser avec nos démons, et d’en
sortir plus fort, alors on en profite pour tripper bien à fond comme il faut.
En tout cas, on peut déjà vous dire dans quel état nous revenons de cette entrevue.
Prêts à jouer avec vos délires, danser avec vos démons, et nous ne sommes pas les
seuls. Merci à vous.
*
* *
OROBORO, ça se retrouve sur :
YouTube,
Instagram,
Facebook,
Selon nos informations, il serait question d’un single pour les fêtes de Noël.
Propos recueillis par Nathan J. Beltràn
ENTREVUE PIERRE KERROC’H CORTÈGE
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LETTRE OUVERTE
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Bonjour à vous, CORTÈGE,
à vos bêtes & vos lecteurs.
J’ai le souci du témoignage. Entendez : je n’suis pas une intellectuelle, ma pensée je
la tire des gouffres mêmes de mon sang, et si c’est à vous que j’écris, CORTÈGE, c’est
que l’on vous sait témoin du sang.
Avant toute chose, il faut vous avouer que je n’suis pas, et qu’aucune d’entre nous
n’est, une princesse à proprement parler ; je fus exilée du royaume, et si j’y ai
« vécu » ce ne fut jamais proche du moindre trône. L’envie de m’y asseoir m’est, par
ailleurs, totalement inconnue.
Qui plus est, nous ne sommes pas non plus un front à proprement parler car plus
qu’exilées, nous sommes seules. Détenues dans nos tours respectives, nos échanges
ne se font plus que par missives, par le grand système de missives que tient ce
royaume, celui-là même qui vous permet de lire ma lettre.
Il y a encore tout à dire maisje n’me souviens plus de tout. J’ai senti dans mes
nerfs trotter de méchants feux ; ai buté dans un pauvre coin d’mon corps – comme
tout un chacun me direz-vous, je l’reconnais, mais
ce fut plus bas & consciente. Je veux dire :
j’ai chuté dans un brûlis d’ma chair.
À peine vous parle-t-on d’brûlis qu’vous imaginez déjà une scène, vous voyez des
flammes qui suivent une petite ligne d’essence, poussent vers moi, qui crament le
vair de mes pompes, se dressent, culminent contre mon ventre, ma gorge, et
comme dans l’attente d’une sorte de châtiment voyez ma bouche se tordre et qui
semble (avec peine sûrement) racasser dans l’peu d’air restant. Ce fut pourtant tout
autre. Les flammes ne venaient non pas de l’extérieur mais de l’intérieur de moi,
elles me montaient en dedans. Ill m’aurait fallu sortir à nouveau, pourtant, je me
retrouvais à cogner dans un angle. Je compris que je butais, chaque jour, dans un
coin d’mon corps.
DU F.L.P.D
Front de libération des princesses en détresse
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Si je ne me souviens plus de tout, c’est que j’ai nous avons depuis, lavé nos
scories, dansé, engouffrant des corps entiers dans nos panses, comme dirait l’une de
nous. Aujourd’hui, que c’en est fini d’porter la bouche à l’os, et, en nous, ce sont
comme des forêts qui ne cessent de naître.
Pourtant, au-delà, il est des crasses, des sanies, des caillots érigés maîtres et qui
empêchent toute incarnation vraie. En d’autres termes, ce sont aujourd’hui contre
les murs de nos tours que l’on bute. C’est l’une des raisons de cette lettre. D’aucuns
pensent qu’il faut se dresser, puis serter l’Enfer ; nous, affirmons qu’il faut
abaisser, y forcer l’enfoncement d’la vie. Et presque d’un même geste, miner la base
de nos tours, une à une, pour que puisse prendre corps la réalité.
En attendant ? Feindre les mêmes aspirations, lutter d’où l’on peut, cacher l’envers
du monde en soi : littéralement s’étendre le corps en dedans. Créer et préserver ce qui
tient lieu d’contre-monde. Peut-être que je vous écris aussi pour cela parce que
nous avons besoin d’art qui soit hors-la-loi, tentative d’incarnation.
De plus ou moins belles tentatives de veiner cette pauvre matière qu’est la langue.
Besoin d’art qui, en la travaillant, la malmène et la foute à cran. Fait trouée par où
passer la tête ou pire.
Mais revenons-en au corps et à ses allures de cortège. Faire de lui l’un de ceux
d’carnaval, de ses corps étirés et au-dehors et au-dedans, c’est bien de c’la dont il est
question. Il importe qu’il devienne plus que nippe mais authentique lieu d’échange
voire : qu’il devienne lieu de l’envers me. En somme, la continuité de ceux
qu’on trouvaient en Crète, voides siècles. Puis, plus que le corps, c’est le monde
même qu’il faut rendre ainsi.
Ne m’en veuillez pas d’radoter, c’est pour saisir l’indicible. Un peu comme on
répèterait la description d’un amant : avec l’espoir qu’en la ressassant, la rabâchant
assez quelque chose vienne et s’en détache ; quelque chose qui soit un fragment, un
partage de sa présence, de son – disons aura, faute d’un autre mot.
Bien sûr, je pourrais, moi aussi, vous causer d’sexe, vous faire mon petit traité
d’luxure : « Après quoi, possédant en tout et pour tout dix doigts, flanquées d’une
maladresse ou d’une sensualité certaine, nous restons , à ôter les secrets qu'elle
porte en elle — la peau ; et ceci et cela. »
Mais, bien que j’ai suffisamment vécu pour savoir que l’impensable se saisit parfois
sous le sillon creusé d’une peau, vous comprendrez que, dans ma situation, de peau
il n’est plus question depuis longtemps. Ou alors, uniquement dla mienne. C’est
donc d’autres rites dont je vous parle. De ceux qu'il reste à inventer.
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